numéro un, paru en mars 2001

 

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LA BD SF DU CALVA...

 

 

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REPORTAGE DANS LA MAISON DE RETRAITE AU PLUS GROS BUDGET DE FRANCE  

Le 14 juillet, par un concours de circonstances dont nous vous épargnons les détails, trois de nos reporters, envoyés spéciaux et pieds nickelés de haute volée, ont pu participer au renouveau de la Fête de la Fédération organisée par le Sénat. Une fête républicaine qui ne s’était tenue jusque là que le 14 juillet 1790 pour célébrer dans un rassemblement de toutes les régions du pays, l’union de tous les Français autour des valeurs de la Révolution. Du coup, ce sont 13000 élus de la Fédération des maires de France et leurs conjoints qui se sont retrouvés dans les jardins du Luxembourg afin d’y déguster les produits de nos terroirs. Pendant ce temps-là, 2000 djeunes étaient parqués dans la cour du palais du Luxembourg. Formidable. Compte rendu et question autour d’une mascarade.  

 

Une journée mi-figue, mi-raisin ce 14 juillet, entre les éclaircies et quelques gouttes. Nous voilà au palais du Luxembourg, ouvrage magnifique que nous pourrons visiter, ce qui demeurera une des rares satisfaction de notre périple. Dès le début, le calme apparent et le peu de monde nous inquiète. Nous nous rabattons donc rapidement sur l’autre satisfaction de la journée, la nourriture, puisque nous sommes au centre du pique-nique géant qui traversait la France. Une immense publicité pour les produits du terroir. Uniquement de l’AOC, des mets raffinées, des fruits de mer, des fromages, des pâtisseries, des glaces, des alcools de qualités, tout ça aux frais de la princesse, on ne va pas se plaindre. Le reste est moins enthousiasmant. Nous qui espérions rencontrer maires et surtout sénateurs, peine perdue. Reclus dans le jardin du Luxembourg, ils étaient inatteignables, protégés par la police en nombre. On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Nous étions tellement cloisonnés que nous n’avons appris que la lendemain que Jospin et Chirac étaient venus faire un petit tour de courtoisie, à quelques mètres de nous. Complètement autistes, nous subissions le vide de l’événement.

Pour nous apaiser, ils nous ont donné en pâture une radio de djeunes, Le Mouv qui assurait l’animation dans la cour. Un groupe rock-pop s’est joint à la fête, très sympathique, mais bonjour les amplis. L’une des chansons s’appelait «refaire le monde». Mmm, ça sentait la démagogie chez nos amis retraités. Et ce n’est pas la présence d’Aimé Jacquet (que je ne présente pas) et d’Abdelatif Benazzi (de l’équipe de France de rugby) qui se sont présentés le temps de signer quelques autographes qui contredira cette impression. Très disponibles, ils ne pouvaient masquer le vide de cette réunion.   

A l’image de l’Assemblée Nationale des enfants, les sénateurs ont imaginé en parallèle de leur pique-nique géant, d’organiser une déclaration de jeunes sénateurs. Un concours de rédaction portant sur les valeurs de la République avait désigné les heureux élus qui, après le repas, nous firent la lecture de cette déclaration sur la scène dressée dans les jardins pour accueillir l’Orchestre National de Lille et Patricia Kass.

 

Si les valeurs déclarées étaient réellement formidables (refus du racisme, de l’illégalité homme-femme, volonté de contrôle des technologies, de respect de l’environnement, entre autres), un gros problème se posait dans la forme et le contexte. La forme s’est avérée insoutenable puisque après chaque article, tous les participants présents sur scène se mettaient à la répéter avec un  sens de la coordination qui offrait un brouhaha assez proche de ce que doit être la communion dans les sectes lobotomisées (une cassette est disponible à la rédaction pour ceux qui doutent). Rajoutez à cela un gong censé donner de la puissance à chaque réplique et vous obtenez une mise en scène ratatouille proche de la manipulation de masse.. 

Pourtant, ce n’est pas ce qu’il y a de pire si l’on considère le cadre de cette déclaration. La scène était adossée au Sénat, qui est tout de même le fief de l’avant–gardisme et de la protection des faibles. En effet, entendre une jeune fille déclarer avec une sincérité profonde qu’il faut respecter les différences sexuelles et ethniques et qu’« à travail égal, salaire égal », devant un bâtiments remplis de conservateurs qui ont refusé le PACS, ça fait tout de même de la peine.

À ce niveau là, on ne frôle plus l’hypocrisie, on y plonge en apnée. Car hélas, il ne s’agit que d’une déclaration, comme on en fait au comptoir du Balto, elle n’a strictement aucune valeur légale et nul n’est tenu de s’y tenir, surtout pas les sénateurs, pourtant instigateurs de la chose. Toutes ces valeurs sont totalement symboliques et récupérées dans un but politique. Forcément, ça énerve, et on les imagine bien nous expliquer que nous sommes des naïfs et que quand nous connaîtrons les réalités de la vie, nous admettrons que ces idéaux étaient déplacés. Devant le mal à l’aise ressenti face cette mise à l’écart et face au cynisme de la représentation des vraies valeurs républicaines (qui ne sont plus Travail, Famille, Patrie, Chasse et Pêche depuis 1944), nous avons du conclure qu’il ne s’agissait là que d’une volonté de publicité, d’amélioration de l’image un peu réac et amidonnées de cette assemblée. Un jeune homme interviewé par la radio Le Mouv, sur ce que représentait pour lui le Sénat a répondu ceci : "Ben…, c’est un bâtiment".

Et puis c’est plein de vieux, ils ont rejetés le PACS je crois. Ce sont des élus qui s’intéressent plus à assurer leur fin de carrière politique qu’à travailler pour la démocratie ». Tu m’étonnes qu’ils n’aient pas oser nous mêler aux élus. Plus tard, nous tentons d’arracher quelques mots à une dame membre du service presse du Sénat (enfin, c’est ce que disait son badge) et lui demandons quel est le sens de cette journée, pense t’elle que c’est une tentative d’amélioration de son image ? Elle nous répondra en fuyant qu’il n’y a pas de problème d’image. Ah bon, on l’a rêvé alors.

  D’une pierre deux coups, donc. D’un côté je soigne les maires qui sont la base de l’électorat sénatoriale, de l’autre je fait participer les gnomes, heu, je veux dire les jeunes à travers une manifestation dont je me fiche royalement. Le tout en évitant soigneusement de mélanger tout le monde des fois qu’un jeune mettrait un élu dans l’embarras avec des questions ridicules ("Dis, pourquoi t’es homophobe ?"). Ca s’appelle soigner sa gauche et sa droite. Nous, nous appelons cela se moquer des gens puisque nous nous fichons des intentions mielleuses, nous voulons discuter, proposer, faire valoir, et pas être considérés comme des perroquets d’une déclaration des droits de l’homme du type consensuel.

Et ce sans manque de respect pour les jeunes sénateurs, qui ne sont pas en cause. Car il est certain que pour beaucoup qui venaient pour se faire rincer la tronche et assister à un concert sympathique, la journée a pu apparaître plus qu’intéressante, mais elle ne comportait absolument aucun élément qui puisse nous faire sortir d’une ghettoïsation vis-à-vis des sénateurs. Nous étions des outils, la preuve en est le traitement anémique et clairvoyant de la presse qui résume : Christian Poncelet a très bien reçu les maires (15 millions de franc de budget, et oui), Chirac et Jospin sont venus faire coucou, tout ça, etc… et, ha oui, à coté, et bien, il y avait des jeunes.

    Maintenant, nous nous devons de lancer des idées, puisqu’on nous a refusé la discussion, puisqu’on nous prend pour des imbéciles, et parce que nous ne voulons pas tomber dans les travers que nous dénonçons. Il ne suffit pas d’avoir quelques belles intentions révolutionnaires du type (attention, ça va décoiffer) : «La guerre, c’est pas bien». La question que nous nous sommes posées bien avant cette journée porte sur la légitimité et surtout l’utilité de cette glorieuse assemblée qu’est le Sénat. Cette institution ne dispose d’aucun droit décisionnel et n’est même pas élue au suffrage universel. C’est notre cour des Lords, toujours en retard sur les besoins et les réalités de la société, qu’elle croit pourtant maîtriser du haut de son expérience. A ce genre de discours, on va nous répondre que cette assemblée est nécessaire en temps que contre-pouvoir à l’Assemblée Nationale. Nous voulons bien. Mais comment peut-on appeler contre-pouvoir ce qui ne connaît aucune alternance politique. Depuis sa création en 1946, le Sénat a toujours été de droite. Lorsque la gauche gouverne, l’opposition existe mais dans le cas inverse, cette assemblée se trouve systématiquement annihilée. Peut-on alors nous expliquer à nous autres qui n’avons encore rien compris quel est l’intérêt de l’existence d’un fief du conservatisme dans notre démocratie. Que changerait fondamentalement son absence ? De plus, il y a l’aspect frustrant qu’est leur élection au suffrage indirect qui garantit un maintien infini du Sénat dans le giron de la droite puisque les sénateurs jouissent du vote massif de tous les maires et conseillers généraux ruraux. Mais surtout, il nous met, nous, avec notre droit de vote ridicule, sur la touche.

 

Il n’est donc pas étonnant qu’ils prennent les jeunes de haut, ces derniers ne représentent rien électoralement parlant. Ils n’ont aucun compte à nous rendre et ils le savent. Ils sont plus intelligents que nous et ils le savent. Nous, nous ne savons rien, ou tout du moins nous ne pouvons pas comprendre. toujours ce syndrome du petit chef, qui place toute relation dans un rapport de force. Les sénateurs sont certainement très sympathiques entre eux ou à l’égard des maires qui sont utiles et/ou ont un rang social similaire, tandis qu’ils affichent leur mépris à tout ceux que l’on peut considérer d’importance inférieure : vous, nous, beaucoup de monde.

 

Reportage réalisé par David Madelaine, L'orphelin Rudy et Christophe Lebon.

 

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