Numéro « hors série » paru en mai 2000 et consacré entièrement aux Assises de la Jeunesse
C'est pourtant simple. Au début, il n'y avait rien.
Puis, le premier jour, Dieu créa Saint-Lô. Trouvant son œuvre parfaite, il
enchaîna illico-presto avec les derniers petits détails, à savoir la Terre,
les continents, l'Homme, le calva, le chien (qui se révéla être un super ami
de l'Homme), puis dans sa grande mansuétude, il s'abaissera à créer la Femme.
Soit. Pourquoi avoir commencé par Saint-Lô nous demanderez-vous ? Eh bien
malgré notre savoir infini nous ne pouvons répondre à cette question. Mais
s'il est question de savoir pourquoi il trouva son œuvre parfaite, les réponses
tombent sous le sens. Malheureusement elles ne viennent pas de nous mais de la
Bible du bien-être de Saint-Lô, nous faisons référence au monument littéraire
de ces deux milles dernières années (attention, roulement de tambour) :
SAINT-LÔ EN CAPITALES. SAINT-LÔ EN
CAPITALES, c'est une petite brochure en papier glacé éditée par la ville de
Saint-Lô ayant pour sous-titre "actions et réalisations au quotidien,
une ville trace sa voie". Tout d'abord ma
bonne dame, sachez que Saint-Lô se soucie de l'emploi. D'ailleurs "depuis
cinq ans la stratégie est claire : pour favoriser l'emploi, il faut soutenir et
développer l'activité économique". Non, sans blague ? Cette
"conviction " a permis le développement des zones d'activités qui
ont embauché, réduisant de 222 le nombre de demandeurs d'emploi. Et encore on
ne vous raconte pas quand les Maîtres Laitiers du Cotentin (cités trois fois
en huit pages) et leurs 250 à 400 emplois vont débouler. Une histoire qui va sûrement
nous amuser encore un petit moment. Bon, un petit
mot pour les électeurs maintenant : vous avez vu, Décathlon, c'est parti. Après
le feuilleton pour le mettre sur pieds, les tergiversations interminables, il
s'est monté à une vitesse affolante. Du coup, vous voyez que l'on fait un
effort pour satisfaire la majorité des gens qui réclamait cette implantation
parce qu'elle en avait assez de payer mille balles pour un mauvais pull à
grosse étiquette au centre-ville. Ah oui, mince, c'est vrai, je les avais oubliés
ceux-là qui ont tout fait pour que Décathlon n'arrive pas. Un petit mot pour
la route : "Saint-Lô maintient fermement le cap et continue à privilégier
son centre-ville" (où tu vois un centre-ville ?). D'ailleurs, il y a
les "illuminations de Noël", c'est tout dire. Nous sommes
aussi dans une technopole, le centre de l'agro-alimentaire associé à un
accroissement insensé des implantations d'entreprises dans le Parc Delta. Qui
dit technopole dit rapport entre industrie et diplômés : Bingo ! "La
vie étudiante gagne la ville" autant dire que ça va saigner !
Prostitution, orgies sexuelles, trafic de drogues dures (champomy), satanisme,
piercing et techno-parade. Le tout jusqu'à une heure du matin. Après, tout le
monde au lit. Le pire a déjà commencé puisque l'Espace Rabelais a "fait
l'acquisition d'un baby-foot". Enfin bon, ce
que vous devez absolument retenir, c'est que Saint-Lô est la ville du cheval,
"un atout incontestable" si l'on en croit le patron du
restaurant La Gonivière qui se transforme en Mac Donald’s le temps du
Horse-Show. "La clientèle du cheval est très agréable à côtoyer et
passionnée" et a un petit peu de pognon quand même.
Ensuite le merveilleux chapitre : "Être
solidaire à Saint-Lô". C'est parti. On nous dit qu' "À
Saint-Lô, la solidarité est une tradition cultivée depuis la Libération".
Soit. Nous les trouvons modestes. Nous dirions, nous, que Saint-Lô est synonyme
de solidarité. Que cette ville est la solidarité même. Que lorsque l'on parle
n'importe où dans le monde de solidarité, la première image venant à
l'esprit des gens est celle des remparts® de Saint-Lô. Et comme
preuve de tout cela (est-ce bien nécessaire ?), on nous présente moult
exemples : et ça y va de logements sociaux en réadaptation sociale, de
chantiers d'insertions en accès téléphoniques directs et permanents avec les
services de soins à domicile, de déjeuner gastronomique des aînés (qu'on
appelait autrefois très vulgairement "vieux") en réhabilitation de
cité d'urgence. La cité d'urgence qui se trouvait entre boulevard du Midi et
Ferronnière n'existe plus. C'est devenu le Hameau de la Chennière. Ou comment
faire du neuf avec du vieux. Un coup de peinture, un nom de quartier pris au
hasard dans le dictionnaire et vous avez un quartier tout beau, qui fait voir à
quel point Saint-Lô se préoccupe de ses habitants. Ou comment un intérieur
change une vie. Saint-Lô en capitales, on vous dit. Après avoir été
bien solidaire, il est temps de penser à soi, avec la rubrique se plaire à
Saint-Lô. Tout est fait pour notre bien-être. Toujours même son de trompette,
Saint-Lô étant la perfection même, les fleurs poussent mieux depuis quelques
années, les jardins et les promenades ont été aménagés et comble du comble,
l'aménagement de la rue Torteron mérite tous les honneurs. La rue Torteron.
Mais si, vous savez bien, celle qui longe les remparts®, là où
avant il y avait une longue bande de vert, ce devait être une sorte de mauvaise
herbe puisque la ville a décidé de remplacer tout ça par de l'urbanisme
moderne façon Saint-Lô, à savoir du bitume avec des bancs jaunes-oranges en Z
eux-mêmes fabriqués en béton. Le paradis à l'état pur. Mettez par-dessus ça
quelques ronds-points justifiants les budgets (on se demande toujours l'utilité
véritable de celui situé rue de la Marne), 1500 tonnes de déchets collectés
et recyclés, deux nouvelles balançoires, mettez deux djeun's sur deux VTT qui
ne font que "médiater" toute la journée et vous obtenez une
ville qui se préoccupe aussi du bien-être de ses habitants, des aînés comme
des djeun's. Au Kiosk, un djeun's peut connaître les horaires du cinématographe,
et peut également trouver un djob. Le djeun's (13-25 ans) est écouté,
soit à la cafet', soit au glorieux BIJ (Bureau Information Jeunesse), le Kiosk,
c'est presque une série idyllique TFunienne, y'a des djeun's, y'a une
cafet', et de supers ordinateurs multimédias "con-nectés à Internet"
(dixit Saint-Lô en capitales). De quoi se tirer une balle si on a le malheur
d'habiter ailleurs qu'à Saint-Lô. Bon à Saint-Lô,
on est solidaire et on s'y plaît. Soit. Faudrait peut-être penser à se
cultiver maintenant. Encore une fois, Saint-Lô (la perfection même vous vous
souvenez ?), la culture y'en a tous les jours, partout, pour les grands et les
petits. Avec moins de moyens peut-être, mais vous n'avez pas idée du prix que
peut coûter le bitume de nos jours. La place de l'Hôtel de ville, dans sa
magnificence, suffirait à elle seule à combler une année de culture. Mais la
bonté de la ville est grande, donc elle offre quelques sous aux troupes de théâtre,
aux musiciens, bref aux artistes pour divertir le peuple. Puisqu'on vous dit que
le jardin d'Eden était une copie de Saint-Lô en moins bien ! Ensuite la vie
associative. Là, ça sent le déjà vu, puisqu'on a rénové les anciens bâtiments
de groupe scolaire Schweitzer pour en faire la Maison des Associations. Du neuf
avec du vieux. Moins cher. Et pour que Saint-Lô ressemble un peu plus à Malibu,
un centre aquatique va être construit. Le soleil sera haut dans le ciel et les
oiseaux chanteront si forts que nous serons obligés de couper les arbres pour
les déloger (je vous rassure, c'est déjà commencé). Encore une
dernière couche de culture et puis on y va. L'ancienne léproserie de la
Madeleine a été rénovée (plus un), le Normandy a été rénové (plus un),
le théâtre sera rénové (plus un), la seule chose qui ne semble pas vouloir
se rénover, c'est le siège de la Mairie. De rénovations
en perfections, Saint-Lô fait peau neuve et le souligne, le ressouligne,
l'affiche en gros, édite une plaquette pour ceux qui n'auraient pris conscience
de la chance qu'ils ont d'être saint-lois, fait une liste bien détaillée des
actions faites uniquement pour le bien-être du peuple, de comment on a dépensé
tout l'argent qu'on lui a pris. Saint-Lô, c'est le paradis en mieux ou alors on
a pas compris, ce qui nous étonnerait.
LEROY
BENOIT ET MADELAINE DAVID
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