Numéro « hors série » paru en mai 2000 et consacré entièrement aux Assises de la Jeunesse
Le Normandy revit
Le
Normandy va t-il vers une certaine évolution dans la programmation ? Il y a
encore quelques mois, j'aurais juré que non. Pourtant, force est de constater
qu'une fibre d'éclectisme s'est installé ces derniers temps dans les concerts
programmés en ce lieu. Si nous revenons
quelques années en arrière, on peut voir que Saint-Lô ne s'est jusqu' ici que
très rarement distingué par la variété des genres qui y sont représentés.
Niveau local d'abord, le paysage musical s'est limité alors au binôme Pop/Metal.
Du Metal car c'est, à mon avis, un style qui requiert peu de connaissances
musicales et donc, un style que nombre de musiciens débutants peuvent
innocemment pratiquer sans difficultés et de la Pop pour le bon goût de la
communauté pop qui est très présente sur Saint-Lô ; car depuis l'avènement
de TEASPOON, consacré comme le groupe initiateur de ce mouvement, la pop avait
laissé sur notre ville une marque indélébile qui ne faisait que s'étendre
sans cesse. Un sentiment d'amertume face à une dictature inébranlable. Les
amateurs d'autres styles pouvaient errer longuement avant de trouver de quoi se
remplir convenablement les esgourdes. En effet, en dehors d'une minorité de
groupes (AB sextet et quelques groupes de blues ici et là), les groupes locaux
s'enfermaient quasiment tous inlassablement dans le carcan de la furie bestiale
pour certains et dans celui de la mièvrerie rose bonbon pour d'autres… Au niveau des
manifestations organisées, la diversité n'était pas non plus de mise. Les
Remparts du Rock pouvaient d'une année sur l'autre offrir quelques bonnes
surprises mais ils moururent prématurément. En dehors de cela, il y eu des
groupes tels No One is Innocent, Silmarils, Billy Ze Kick ou Big Soul ; des
groupes sûrement d'un très bon esprit mais chacun fût invité après être
passé en boucle sur les ondes, juste au moment de leur «tube», au moment où
les organisateurs étaient sûrs d'en tirer un maximum de bénéfices. De même
pour Dominique A ou Divine Comedy, «valeurs sûres» de la pop avec lesquels on
est, à chaque fois, assuré d'amener beaucoup de monde car Saint-Lô est une
ville à public «pop», tout le monde l'aura remarqué. Donc, c'est fort bien
d'inviter la fine fleur d'un genre qui se vend très bien au sein de notre
ville, mais pourquoi les avoir fait venir plusieurs fois en si peu de temps (en
moyenne une fois tous les deux ans si mes souvenirs sont exacts) ? Un peu de
diversité n'a jamais nuit à personne. Bref, ce qui
manquait, c'était, sur le plan des groupes locaux, une véritable démocratie
musicale où le plus de genres seraient représentés. Au niveau des groupes de
passage, il manquait le courage ou la volonté nécessaire afin de se tourner
vers d'autres musiques que celles qui rapportent. Aujourd'hui, les
données semblent changer et plutôt dans le bon sens. On a eu Katerine, les
Rythmes Digitales (2 styles bien différents mais que je n'apprécie pas forcément).
Il y a eu la soirée B.UG qui s'etait ouverte à des musiques peu présentes sur
Saint-Lô (Fonk, Ragga); il va y avoir du hip-hop (une première : Saïan Supa
Crew), du trip-hop et aussi du jazz-drum'n'bass avec Erik Truffaz (concert
reporté au 17 juin d'ailleurs). Donc, Saint-Lô se tourne vers le créneau de
ce qu'on appelle les musiques actuelles, ce qui peut vouloir dire tout et son
contraire; ce que je veux dire, c'est que l'étiquette Musiques Actuelles ne désigne
rien de précis et qu'on peut donc y caser n'importe quoi. Rappelons que dans la
région, seules quelques salles détiennent le statut de SMAC (Scène de
Musiques Actuelles) : La Luciole, l'Abordage ou Big Bang Café… Ca se
diversifie donc et le public à l'air de s'y retrouver. Ceci dit, il reste un bémol
: le prix des places (de 70 à 80 Frs en moyenne) reste élevé par rapport aux
autres salles citées ci-dessus (40 Frs en moyenne). Pourquoi ne pas organiser
un partenariat avec ces salles afin que des artistes fassent une autre de ces scènes
avant ou après le Normandy, ce qui pourrait permettre de réduire le prix des
places. Anthony
Marie CINÉMA
À TCHI-TCHA
Le cinéma saint-lois
n'est pas au top. Ben ça alors! Certaines personnes se plaignent de son manque
de diversité et n'hésitent pas à se rendre à Caen pour assouvir leur soif de
pellicule. C'est bien gentil tout ça mais ces critiques ne doivent pas cacher
les réels efforts entrepris. Et s'il est vrai que le "parc " de
salles et le choix des films s'avèrent limités, le Drakkar ne se bat pas avec
les mêmes armes que l'agglomération caennaise qui compte environ 35 salles et
dispose d'un public différent. N'importe quoi ! Comparer Caen à Saint-Lô s'avère ridicule tant
les échelles sont disproportionnées. Chaque semaine sur les écrans français
sortent environ une dizaine de films (souvent plus). Certains disposent de très
peu de copies, de une à vingt. Comment pourrait-on bien passer tous ces films
alors qu'il n'y a que. 5 salles à Saint-Lô ? Même Caen a du mal à tous les
projeter et certains arrivent deux à trois mois après leur sortie. A cette
impossibilité technique de tout passer, on va me répondre qu'il faut de la
diversité et que le cinéma ne se résume pas à Taxi 2 ou Scream 3
pour les exemples récents de grosses machines à succès. N'en jetez plus, vous
prêchez un convaincu, nous sommes d'accord. Simplement, il ne faut pas tomber
dans l'excès. Deux excès sont typiques dans le rapport du public au Septième
art. Le premier : l'élitisme n'accepte que le dernier film slovène sous-titré
slovaque, et ce non pas par volonté de découvrir une autre culture ou une
autre forme de cinéma (noble cause), mais uniquement pour affirmer une forme de
"supériorité " culturelle considérant tout succès populaire comme
ridicule et indigne. L'autre excès (totalement à l'opposé si je ne me trompe)
est télévisuel. Il s'agit de n'aller voir qu'un ou deux films par an, un bon
gros succès que quasiment tout le monde a vu, Taxi 2 et Star Wars
par exemple, et affirmer après qu'on aime le cinéma et surtout qu'on s'y connaît
alors qu'on ne fait qu'y reproduire les comportements que l'on a devant son
poste. En fait, les victimes de cet excès n'aiment pas le cinéma, ils aiment
la télé, balisée, sans surprise et qui peut tolérer une autre activité
simultanée sans perte de sens. Le véritable amateur de cinéma se trouve
certainement entre ces deux extrémités : Ni aristocrate de la pellicule parce
qu'il a comprit une œuvre, ni uniquement attiré par des films qui ne
ressemblent guère plus qu'à un téléfilm type Julie Lescaut, il peut
apprécier Star Wars et le dernier David Lynch. Tu t'égares
mon gars ! Mais non. Vous allez voir où je veux en venir. Car entre ces
deux comportements types, excessifs, se situe un cinéma tel que le Drakkar, qui
doit prendre en considération tous les publics. Ce n'est pas un cinéma art et
essai qui vit des subventions de l'état, alors forcément les écrans sont
essentiellement occupés par les grosses sorties. C'est compréhensible, il faut
bien vivre, gagner de l'argent. De plus, ces films sont demandés par le public.
Il est donc trop facile d'attaquer les exploitants. Certes, de grands films nous
passent sous le nez, certes les conditions des petites salles sont très
moyennes (un bon 16/9ème et vous faîtes pareil chez vous), mais à côté de
cela il y a des initiatives très intéressantes. Hormis les événements tels
que la fête du cinéma et, grande nouveauté, le printemps du cinéma (films à
20 francs pendant un week-end), il faut ajouter des innovations au quotidien.
Tout d'abord, de très bons films à petite diffusion sont quand même arrivés
à Saint-Lô. Pour exemple et parmi d'autres : L'Eté de Kikujiro,
magnifique œuvre de Takeshi Kitano, Ghost Dog de Jim Jarmusch ou même
le film bhoutanais La Coupe de Khyentse Norbu, films d'auteurs qui ont la
plupart été diffusé en V.O. On pourrait défendre dans ces lignes avec une
conviction sincère le principe de la V.O. Mais ce genre de discussion n'aura
pas lieu ici par crainte de sembler faire partie de cet élitisme pédant. Il
faut s'intéresser aux faits et les faits sont : pour L'Eté de Kikujiro,
nous étions une dizaine, pour La Coupe encore moins, et pour Mafia
Blues qui est pourtant une comédie américaine avec Robert de Niro (mais en
V.O) nous étions.....deux. Alors que Titanic et Taxi 2 provoquent
des queues interminables. De quoi se décourager de faire des efforts. Tout cela
pour dire que le cinéma saint-lois tente de satisfaire tout le monde, la grande
majorité qui ne veut que des Star Wars et La Ligne Verte, qui se
déplace en masse, et la minorité qui s'intéresse à un cinéma plus varié.
Tous les publics sont respectés et ceci en tentant de survivre sur un marché encombré. C'est un cinéma qui ne méprise
pas ceux qui ne lui rapportent pas forcément par la taille de la salle remplie
mais par leur fidélité aux salles obscures, par la diversité de leurs goûts.
Pour s'en convaincre, il nous faut citer cette grande idée d'une semaine de cinéma
européen offrant de découvrir quelques œuvres de nos voisins, de nous ouvrir
à d'autres horizons cinématographiques. Sans oublier l'inattendue et agréablement
surprenante soirée Je règle mon pas sur le pas de mon père, film avec
Jean Yanne, en présence du réalisateur, déjà scénariste du Ridicule
de Patrice Leconte, Rémi Waterhouse.
Pognon !
Certains trouvent le cinéma trop cher. C'est vrai qu'à 40 F la séance, la
famille type de quatre personne ne peut se permettre des séances hebdomadaires
(d'où le choix de gros films : " en avoir pour son argent "). C'est
un vrai problème. Heureusement, le public principal, jeune, étudiant, dispose
de réductions. Ce ne sont pas encore les 30 F de moyenne à Caen mais c'est
toujours ça de pris. De plus, une magnifique initiative a vu le jour avec les séances
à 29 F le dimanche matin. Un petit pas sacrement positif. Donc.
Si on y regarde bien, le cinéma saint-lois n'est pas si mauvais. Grand amateur
des écrans larges, je suis évidemment déçu de voir échapper certains films
et mon gros reproche porterait plus sur les conditions de projection. Mais je
suis aussi souvent surpris de la programmation (qui aurait cru que La Coupe
passerait au Drakkar). Le vrai problème est l'envie du public et sa réaction
face à l'art cinématographique : un autre débat, entamé plus haut, plus
complexe, essentiel mais qui ne nous concerne pas ici. Une autre fois peut-être.
David Madelaine
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